MESURE POUR MESURE

Fidèle au théâtre élisabéthain, l’intrigue riche de rebondissements fait aussi écho à notre société et ses débats sur le pouvoir politique abusif, les extrémismes religieux et le patriarcat. Dans une Vienne imaginaire, où règne une certaine liberté de moeurs, le Duc cède momentanément la régence de l’État au très puritain Angelo. Une répression religieuse s’abat alors sur la ville. Quand le jeune Claudio est condamné à mort pour avoir mis sa fiancée enceinte, sa soeur Isabella, novice dans un couvent, s’en va demander sa grâce au Régent qui, séduit par la jeune fille, lui propose un marché : la vie de son frère contre sa virginité. Obligée de sortir du couvent, Isabella se retrouve prise au piège de ce monde d’hommes qu’elle avait fui. À moins qu’une ruse pour sauver son honneur soit possible ?

Lucie Lacaze signe ici une lecture incisive et rythmée de l’oeuvre, fidèle à son ambition d’un théâtre exigeant et populaire. Dans une version resserrée, et une écriture scénique à la fois légère et ludique, sa mise en scène repose sur quatre interprètes virtuoses, au jeu généreux, qui donnent corps à une dizaines de personnages, tous éprouvés par une intrigue où se mêlent chantage sexuel et hypocrisie du pouvoir. Les changements de rôles deviennent une véritable chorégraphie, qui s’accentue au fil de la pièce et traduit le mouvement infernal de l’histoire, ainsi que son escalade dramatique. Sur le fil, les interprètent maintiennent vive la tension permanente entre la cruauté et l’humour des situations inextricables qui les piègent. Un spectacle d’une intelligence vibrante.